Les paradoxes du Consent Mode V2 de Google

Le Digital Marketing Act (DMA) de l’Union Européenne obligera en mars prochain 6 sociétés majeures dans l’écosystème Digital, appelées gatekeepers, à s’assurer d’obtenir entre autres le consentement des internautes pour collecter des données à finalité publicitaire. Ces sociétés sont Google, Meta, Tiktok, Apple, Amazon et Microsoft. 

Google et le Digital Markets Act (DMA)

Afin de permettre à Google de se mettre en conformité avec le calendrier du DMA, vous avez jusqu’au 6 mars prochain pour indiquer à Google que les données que vous lui transmettez ont été collectées avec le consentement des internautes qui ont visité votre site. Pour cela, Google met à disposition son outil maison : le Consent Mode v2. Ne tardez pas trop car après cette date, certaines fonctionnalités au sein de Google Ads risquent de ne plus être alimentées, comme la possibilité de créer des audiences ou faire du reciblage.

Dans le détail, Google a présenté deux versions du Consent Mode v2 :

  • le Consent Mode V2 basique : conformément à la directive ePrivacy, vous partagez de la donnée avec Google Ads uniquement après avoir recueilli le consentement des internautes (et vous avez bien raison !). Avec le Consent Mode Basique, vous allez simplement devoir rajouter une petite information dans vos tags Google Ads afin de confirmer à Google que vous avez bien obtenu le consentement de l’internaute. C’est aussi simple que ça.
  • le Consent Mode V2 avancé : identique au Consent Mode v1, et contrairement à ce que son nom laisse à penser, ce mode va collecter de la donnée avec et sans consentement, sans utiliser de cookies et l’exploiter à des fins diverses. 

Quelle relation existe-t-il entre les exigences de Google concernant l’obtention du consentement des utilisateurs conformément au DMA et les fonctionnalités avancées du Consent Mode V2 avancé ?

La réponse est simple : il n’y a aucun rapport. Le Consent Mode V2 basique est la réponse au DMA, le mode avancé n’apporte rien en plus à ce sujet. Le DMA n’impose pas de collecter de la donnée sans consentement, bien au contraire. Il est d’ailleurs surprenant de voir ce mode avancé (qui est un copier / coller du Consent Mode v1) réintroduit par Google au moment de l’application d’une des obligations du DMA. À la lecture des différentes annonces du secteur, on aurait presque l’impression que l’Union Européenne recommande la mise en place du Consent Mode v2, dont notamment le mode avancé.

Rappelons à nouveau les faits : 

  1. L’Union Européenne impose aux gatekeepers de s’assurer d’obtenir le consentement des internautes pour des données publicitaires 
  2. Google propose d’implémenter le Consent Mode v2, incluant le mode avancé.
  3. Si vous choisissez le mode avancé, vous envoyez désormais de la donnée sans consentement (et identifiée comme tel) à Google (Google Ads & GA4).

On est donc assez loin de l’ADN du DMA et de sa volonté de renforcer les obligations des sociétés majeures du digital. Pour autant, le Consent Mode avancé n’est pas inutile. Mais l’associer au calendrier du DMA avec une date butoir en mars prochain peut vraiment porter à confusion.

Le Consent Mode v2 avancé est-il légal ?

Le Consent Mode v1 a été un échec auprès des DPO et très peu de sociétés l’ont implémenté. Les principales raisons évoquées par les DPO :

  • Partage de données personnelles sans consentement dont l’adresse IP, transaction ID, ID CRM…
  • Usage de traceurs permettant de suivre le parcours de l’internaute : en cause, le paramètre gclid dans les URLs mais aussi un identifiant généré sur chaque page.
  • Le transfert de données aux États-Unis.
  • Le rôle de responsable de traitement de Google Ads qui pourra donc exploiter ces données pour son propre usage.

Bien que le Consent Mode v2 Avancé apporte des garanties supplémentaires, les problématiques soulevées ci-dessus restent toujours d’actualité.

Le Consent Mode v2 pour quel usage ?

En dehors d’aider Google à se mettre en conformité avec le DMA, le Consent Mode promet d’activer la modélisation des conversions liée au refus de consentement à l’égard de Google Ads. Concrètement, dans vos rapports Google Ads, vous retrouverez donc une part plus importante de conversions modélisées : Google va estimer la perte d’attribution des conversions à ses campagnes liée au refus de consentement.

Point positif : Cela devrait aider les algorithmes d’enchères automatiques, PMAX en tête, à mieux travailler avec une vision plus proche de la réalité du ROAS. La mesure de vos ROAS va augmenter de 30 à 70 %. (Pensez à mettre à jour le ROAS cible en conséquence).

Point négatif : Toujours plus black box, le fonctionnement de l’algorithme de modélisation de Google Ads est un mystère. De plus, il n’est pas possible à ce jour de faire la distinction entre conversions observées (déterministes) ou modélisées (probabilistes) dans les rapports, ce qui risque de soulever de nombreuses questions et de rendre compliquées les comparaisons avec les périodes précédentes.

Pour Google Analytics 4, la modélisation ne sera disponible que si vous utilisez le mode avancé et uniquement sur certains indicateurs.

Alors, Consent Mode v2 Basique ou Avancé ?

Le Consent Mode basique a l’avantage de ne collecter aucune donnée sans consentement, ce qui ravira votre DPO. D’un point de vue technique, il est également simple à mettre en place. Il vous permettra de continuer à utiliser les services publicitaires de Google et vous proposera une modélisation des conversions réalisées malgré le refus de consentement au sein de Google Ads.

Comment implémenter le Consent Mode v2 basique ?

Il n’existe malheureusement pas d’option à cocher pour choisir entre le mode basique ou avancé. Ne cherchez pas non plus de documentation qui vous expliquerait la démarche. La distinction entre ces deux modes dépendra des déclencheurs dans votre tag manager système (TMS). Pour activer le Consent Mode basique il faudra : 

  • activer le Consent Mode v2 via votre CMP ou manuellement dans votre TMS
  • conditionner vos tags Google pour les déclencher uniquement après consentement accordé

Si vous ne conditionnez pas les tags Google au consentement accordé, alors vous utilisez le mode avancé.

Le Consent Mode avancé représente clairement une incertitude légale. Techniquement, il est plus fastidieux à implémenter, notamment à cause d’une documentation très limitée à ce jour et une intégration avec votre CMP qui peut être complexe. Ce mode vous permettra d’activer de la modélisation de données directement dans les rapports GA4 et, d’après Google, permettrait une modélisation plus fiable. Il est possible de limiter les usages de certaines données dites sensibles au sein du mode avancé, mais vous prenez le risque de biaiser la fiabilité de la modélisation.

Enfin, les récentes lignes directrices de l’EDPB (European Data Protection Board) sur la collecte de données sans consentement indiquent un prochain durcissement des règles en vigueur qui risquent de remettre en lumière le mode de collecte du Consent Mode v2 et de le rendre inopérant.

Maintenant à vous de choisir et de faire votre analyse bénéfice / risque du déploiement du mode avancé par rapport au mode basique.